Quelques illustrations

Les textes que nous présentons ici rendent compte de plusieurs dynamiques visant le renforcement de l’unité linguistique au sein des États-Nations (pratiquement stabilisés d'un point de vue géopolitique et de plus en plus centralisés) dont les identités linguistiques multiples ont vocation à disparaître afin d’unifier aussi linguistiquement le territoire.

Le Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française, présenté durant la période révolutionnaire par l’Abbé Grégoire, est exemplaire et précurseur des tendances qui vont animer l’Europe politico-linguistique du XIXe siècle dont le moteur est le droit et surtout le devoir pour tout citoyen de connaître la langue nationale.

Nous avons souhaité présenter ici trois documents concernant la Questione de la lingua en Italie, qui continue à agiter les intellectuels italiens et qui devient une affaire nationale à la suite de l’unification politique du territoire de l’État italien. Les réflexions de Manzoni sont à mettre en rapport avec les débats tenus en France au moment de la Révolution en ce qui concerne notamment la façon de diffuser une variété légitime de la langue qui devra devenir "nationale", mais à ce débat s’ajoute en Italie la question du choix de la variété. Lorsque ce choix est fait, la diffusion se réalisera par des moyens dont rendent compte, entre autres, les textes que nous reproduisons : la littérature pour enfants et les livres de cuisine (comme le conseillait par ailleurs l’Abbé Grégoire dans son Rapport, par opposition aux "gros livres" qui "épouvantent le goût et la raison").

Le texte de Fadrique Mendes rend compte des rapports toujours complexes entre l’Espagne et le Portugal à cette époque où les identités nationales se renforcent. L’espagnol doit rester une langue étrangère au Portugal où la seule langue nationale est le portugais : le maintien de l’accent dans la langue d’origine est un geste patriotique. Dans le même sens, les différents documents commentés sous le titre de « Personnages en transitions » rendent compte des représentations des locuteurs qui abandonnent leur propre langue pour adopter (ici définitivement, et non pas comme des langues étrangères) la langue de prestige, qu’elle soit étrangère (le français en Roumanie) ou non (le castillan en Galice, le français en France…). Figures représentant la diglossie et présentes dans la plupart des situations de contact-conflit de langues, ces personnages grotesques et pathétiques ne représentent ni leur Peuple d’origine ni la Nation-État dans laquelle ils se trouvent…