L’Espagne et le castillan
Durant les XVIe et le XVIIe siècles, le castillan vit son Siècle d’Or précédé par d’importants évènements politiques qui vont être déterminants dans la configuration sociolinguistique de l’Espagne : l’union entre les couronnes de Castille et d’Aragon (1469), la fin de la Reconquête et la "découverte de l’Amérique" (1492). L’Espagne devient un grand Empire, accompagné par une "grande langue" : la langue castillane ou l’espagnol.
En effet, le castillan devient la langue de l’administration centrale de l’État avec l’inclusion de la Galice dans la Castille et la castillanisation de Navarra et d’Aragon. Son usage commence à s’intensifier aussi dans l’administration et dans la justice en Catalogne, à Valence et à Mallorca :
Ceci dit, parmi les langues romanes de la Péninsule, celle qui a opposé une plus forte résistance a été sans aucun doute le catalan, qui avait maintenu jusqu’au XVIe siècle un niveau d’usage très élevé dans les domaines cités ainsi que dans le domaine universitaire et littéraire. Le catalan fut langue administrative en Catalogne jusqu’au XVIIIe siècle.
Quoi qu’il en soit, à la fin de cette période, la première révolution écolinguistique s’est faite : le castillan prend la place du latin comme langue de culture et le reste des langues d’Espagne deviennent minoritaires et leurs usages (fondamentalement écrits) se réduisent de plus en plus.
Il faut signaler aussi la naissance d’une nouvelle langue romane : le judéo-espagnol. À la fin du XVe siècle, environ 100.000 juifs quittèrent l’Espagne et s’installèrent dans le Nord de l’Afrique, en Grèce, Turquie et Palestine. Leur langue, de base castillane avec des éléments lexicaux de l’hébreu, sans contact avec le castillan péninsulaire, se différencie peu à peu de celui-ci.
Le portugais
Le portugais, déjà séparé du galicien par une frontière politique, devient la langue d’un Royaume qui désormais aura sa capitale à Lisbonne. La langue portugaise moderne aura comme base les variétés de l’axe Coimbra-Lisbonne, lieux de résidence du Roi et des institutions culturelles les plus importantes (comme l’Université). La séparation avec le galicien va ainsi se creuser également au niveau du standard :
Le galicien sera perçu par les Portugais comme une variété rustique et archaïque (face au portugais urbain et moderne :
Durant les XIVe et le XVe siècles le portugais, comme les autres langues des Royaumes voisins, s’émancipe par rapport au latin et s’instaure comme langue de culture, mais il doit aussi lutter contre un bilinguisme diglossique portugais-castillan qui s’installe à la cour lorsque plusieurs souverains portugais épousent des princesses espagnoles, qui s’intensifie durant les 60 ans de domination espagnole (1580-1640) et qui perdure jusqu’au XVIIIe siècle. L’espagnol, langue d’un grand empire, qui vit son Siècle d’Or, sera durant environ deux siècles et demi une deuxième langue de culture au Portugal. La plupart des écrivains utilisent les deux langues. Mais certains d’entre eux regrettent cette situation, c’est ainsi que le dit l’un des personnages de la Comedia Avlegrafia (ouvrage posthume de Jorge Ferreira de Vasconcelos (1619 : fol. 67r-v) :
Ce n’est qu’à partir de 1640, lorsque Jean IV de Portugal, dit Jean le Restaurateur, devient roi, que cette tendance vers la castillanisation (et l’influence politique espagnole) s’arrête.
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