Outre les extraits reproduits dans les rubriques qui précédent, nous ajoutons ici quatre textes issus d’ouvrages très divers. Ces textes montrent des dynamiques propres à l’époque concernée par ce module et mettent en évidence la prise de pouvoir de certaines langues vulgaires face au latin. Prise de pouvoir qui vise à les légitimer comme modes d’expression adéquats concernant leur propre structure interne mais aussi les représentations. Celles-ci doivent encore fortement évoluer afin que les langues vernaculaires puisent être utilisées dans certains domaines dans lequel le latin omniprésent (et le pouvoir social qu’il incarne) leur ferme la porte. C’est dans ce sens que Dante inaugure la mode des exaltations des langues vulgaires avec des critères guidés parfois par le sens pratique mais qui, la plupart du temps, mettent en exergue des qualités qui n’ont rien à voir avec les langues elles-mêmes mais qui reflètent une concurrence entre les pouvoirs qui se partagent la vie politique, économique et sociale.
L’exemple du domaine médical est illustratif des tensions de l’époque entre le latin et les langues vernaculaires car il s’agit d’une discipline prestigieuse, certes, mais qui doit être mise en pratique et pour cela la bonne compréhension des textes est capitale. L’extrait que nous reproduisons, de Pierre Tolet, montre la tension entre les médecins et les chirurgiens et met en évidence que le latin était aussi un instrument de discrimination sociale servant à maintenir le prestige des premiers (qui le maitrisaient) face aux seconds (qui ne le comprenaient pas).
Langues et pouvoirs vont ensemble, mais le cas italien suit une dynamique qui lui est propre, due au manque d’un pouvoir politique unifié qui légitime une langue ou variété. Mais le besoin d’une langue unitaire pour toute l’Italie est tout de même ressenti, comme le montre l’extrait du texte de Pietro Bembo que nous reproduisons, un dialogue qui plaide pour un choix guidé par le prestige littéraire.
Le dernier texte se présente aussi sous la forme d’un dialogue mais est très différent de celui de Bembo car il met en scène trois nymphes qui représentent trois pouvoirs plus ou moins forts, plus ou moins actuels, représentés par trois langues (dont une langue aujourd’hui minoritaire et minorisée, l’occitan-gascon). Si par ailleurs on compare ce texte plurilingue avec ceux de l’époque précédente, on peut observer que le contact de langues devient concurrence et que le plurilinguisme n’est plus à l’ordre du jour : l’accueil de celle qui représente le pouvoir politique (la Reine de France) doit se faire, malgré ce poème trilingue, dans une seule langue, d’où la querelle entre les trois nymphes.
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