Des lois écrites en langue romane
Vers la fin du deuxième quart du XIIIe siècle, le roi Fernando III commence à utiliser la langue castillane pour rédiger la documentation de sa chancellerie. Cet usage linguistique, ainsi que l’utilisation du castillan dans d’autres domaines de la culture écrite, traditionnellement transmis en latin ou dans d’autres langues classiques (comme l’arabe et l’hébreu), se consolide sous le règne de son successeur, Alfonso X (roi de 1252 à 1284), promoteur de nombreuses traductions d’ouvrages et traités techniques. Cette préférence royale pour le castillan pourrait être expliquée par l’épanouissement culturel et le grand développement littéraire des langues vulgaires au XIIIe siècle dans tout le territoire occidental. Par ailleurs, dans le royaume de Castille, le castillan était compris, à la différence du latin, par toute la population (constituée de chrétiens, musulmans et juifs) et n’était pas encore la langue d’un pouvoir religieux. L’usage du castillan répond aussi au caractère didactique de toutes les œuvres d’Alfonso X et des traductions qu’il commande, dont la prose est d’un style généralement clair, simple, soigné et facilement compréhensible (Martínez 2016 : 103-110). Les destinataires de ces travaux appartiennent aux classes supérieures de la société, au-delà des seuls professionnels de la culture (Baranda Leturio 2009 : 55).
Outre ses chansons d’amour, satiriques ou religieuses en galicien-portugais, Alfonso X est responsable d’une importante et volumineuse production en prose castillane, qui fut déterminante pour le développement et la consolidation de la langue castillane. Il s’agit d’une production historiographique (Estoria de España et General Estoria), juridique (Especulo, Fuero real, Setenario, Siete Partidas) et scientifique (Lapidario, Libro complido en los judizios de las estrellas, Tablas alfonsíes). On considère qu’Alfonso est l’auteur de tous les ouvrages, mais sans oublier la signification du mot auteur à l’époque:
Les Partidas, code législatif en sept parties, constituent un texte fondamental de l’histoire du droit en Espagne, source d’information précieuse sur la loi et sur la société médiévale (ibérique) du XIIIe siècle. Elles n’ont pas été promulguées pendant le règne d’Alfonso X, mais pendant celui d’Alfonso XI. Un nombre assez remarquable de manuscrits et fragments des Partidas a été conservé, ainsi que des traductions dans différentes langues, ce qui prouve leur importance. Les Partidas présentent un esprit clairement encyclopédique dans leurs dimensions et leur profondeur. Pour son élaboration, le scriptorium a utilisé des sources très diverses : la loi canonique et la loi romaine, mais aussi les fueros, œuvres de droit, la Bible et des textes latins classiques.
Du point de vue linguistique, le style et la rédaction sont soignés, tout comme la sélection terminologique, contribuant ainsi à la consolidation de l’usage de la langue castillane dans le domaine juridique. Le texte contient des expressions latines, souvent techniques, avec leur équivalence dans la langue vernaculaire (par exemple, dans les fragments choisis, on trouve l’utilisation du latin bidellus, Patria potestas, potestas, incestuosi, et même amicitia, mots accompagnés d’une explication en castillan). En outre, il y a plusieurs aspects de la réalité sociale qui sont directement exposés dans la langue romane pour sa régulation (par exemple, les fragments choisis dans la Partida II). Le discours peut aussi se développer par rapport aux aspects philosophiques (par exemple, le fragment sur l’amitié), fondé sur les autorités classiques, comme c’est le cas explicité d’Aristote.
L’œuvre est constituée d’un prologue suivi de sept parties (articulées en titres, et ceux-ci en lois) :
Partida I: Règlement et droit canonique.
Partida II: Règlement et droit politique et administratif, incluant la monarchie et la noblesse.
Partida III: Droit procédural, c’est-à-dire sur l’administration de la justice.
Partida IV: Droit de la famille, du mariage, de la filiation e d’autres relations sociales, comme la vassalité.
Partida V: Droit commercial et des activités économiques.
Partida VI: Droit de succession et testamentaire.
Partida VII: Droit pénal.
Partida segunda.
Título XXXI.
DE LOS ESTUDIOS EN QUE SE APRENDEN LOS SABERES, ET DE LOS MAESTROS ET DE LOS ESCOLARES.
LEY I.
Qué cosa es estudio, et quántas maneras son dél, et por cuyo mandado debe seer fecho.
Traduction :"Titre XXXI. "Des studia où l’on apprend les savoirs, des maîtres et des écoliers", in Georges Martin (dir.), Alphonse X le Sage. Deuxième partie, Traduction critique. Paris, SEMH-Sorbonne - CLEA (EA 4083) (Les Livres d’e-Spania « Travaux en cours », 1), 2010.
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