Les khardjas

Les langues en contact dans la Péninsule ibérique

Les khardjas ("sortie", en espagnol jarcha ['xartʃa], de l'arabe خرجة final) témoignent de l'existence très ancienne de variétés romanes (mozarabes) dans la Péninsule ibérique : il s'agit des 2 ou 4 vers à caractère lyrique mis dans la bouche d’une femme (comme les Frauenlieder, les Cantigas de amigo ou les Chansons de toile), qui se trouvent à la fin des muwaššahas (chansons panégyriques ou chansons d'amour composées dans l’Espagne médiévale musulmane, IX-Xe siècles) arabes ou hébraïques. La transmission manuscrite des Khardjas commence à la fin du XIIIe siècle, et particulièrement au XIVe siècle, avec quelques manuscrits hébraïques. Les manuscrits arabes conservés qui restent sont plus récents.

Monastère  de Suso, construit entre le VIe et le XIe siècle,styles wisigoth, mozarabe et roman

Ces textes présentent la particularité d'avoir été composés en territoire arabophone (et non chrétien comme les autres textes analysés dans ce module), mais dans une variété romane d'al-Ándalus : le dialecte hispano-arabe ou le dialecte de l'ancien espagnol, le mozarabe. Elles sont écrites en caractères arabes ou hébreux, ce qui fait d'elles un exemple remarquable de croisement de langues et de cultures au Moyen Âge.

Exemple d'une khardja de Yosef al-Katib (a. 1042) (panégyrique en l'honneur d’Abu Ibrahim Samuel et son frère Isaac) (selon Stern 1948) :

Translitération des caractères arabes en graphie latine 

1 tnt 'm'ry tnt 'mry
2 hbyb tnt 'm'ry
3 'nfrmyrwn wlywš gydš.
4 y dwln tn m'ly

Translitération en castillan ancien (notamment en introduisant les voyelles):

1 Tan te amaré, tan te amaré,
2 habib, tant te amaré
3 Enfermeron welyos, gueras (?)
4 ya dolen tan male.

Traduction:

1 Je t'aimerai si bien, je t'aimerai si bien,
2 mon ami, je t'aimerai si bien
3 Mes yeux sont devenus malades, guéris-les (?)
4 Ils me font une si grande peine.

 

Pour écouter la Khardja reproduite ci-dessus :