Hymne moldave

Hymne moldave

Limba noastră est l’hymne national de la Moldavie depuis 1994. Il a remplacé l'ancien Hymne de la République socialiste soviétique moldave après son indépendance de la l'URSS en 1991.

L'Hymne est composé de 5 des 12 estrophes d’un poème écrit par Alexei Mateevici (1888-1914), lorsque le glottonyme limba române, était interdit par la politique linguistique du Tzar et lorsque le russe était déjà utilisé dans tous les domaines de la vie publique (l’administration, l’école, l’église...). En réaction à cette situation, Mateevici, qui avait vécu le conflit linguistique provoqué par le monolinguisme officiel (en russe) en Moldavie, souligne avec conviction la valeur symbolique de la langue maternelle et dénonce au demeurant la discrimination subie par le roumain durant les 105 ans de cohabitation avec le russe.

En effet, après le traité russo-turc de 1812 une partie de la Moldavie historique est annexée à l’Empire russe du Tzar. Les conséquences linguistiques du Traité furent très importantes. Lidia Colesnic-Codreanca (2003) établit plusieurs étapes dans la dynamique du conflit russo-roumain/moldave :

I. Le bilinguisme neutre ou fonctionnel (1812-1828) : le russe et le roumain sont utilisés dans l’administration, dans l’enseignement, à l’église, etc. D’un point de vue officiel, on apprécie une attitude de loyauté envers la langue roumaine (ou plutôt envers la variété diatopique moldave parlée dans cette zone...).

II. Le bilinguisme diglossique partiel (1828-1843) : le roumain comence à été marginalisé puis interdit dans l’administration et à l’église.

III. Le bilinguisme d'assimilation (1843-1871) : le roumain finira par être interdit dans les écoles, y compris lors de la récréation.

IV. Le monolinguisme officiel (1871-1905) : la seule langue admise dans tous les domaines est le russe. La variété moldave du roumain reste cantonnée aux familles de paysans (qui refusaient d”apprendre le russe, dont la grammaire et l’alphabet étaient jugés trop difficiles). 

V. Le conflit linguistique ou diglossique (1905-1917) : une langue dominante et une langue dominée s’affrontent d’un point de vue socio-politique.

Ce poème est une bonne illustration du nationalisme linguistique : l’idée d’une identité nationale fondée autour de la langue du peuple. Il expose de façon remarquable et emphatique la valeur de la langue comme élément de rassemblement du peuple. Mais curieusement, Mateevici évite le nom de la langue (roumain/moldave) et préfère l’appeler “notre langue” : ce qui a sans doute permis d’être toléré par les autorités communistes en tant qu’hymne officiel de la Moldavie.

On retrouve dans ce poème les arguments qui ont accompagné la “construction” des identités nationales aux XIXe-XXe siècles : l’enracinement de la langue dans les profondeurs de la nation, son partage à tous les niveaux de la société, son utilisation littéraire par les "anciens"…

Limba noastră-i o comoară
În adîncuri înfundată
Un şirag de piatră rară
Pe moşie revărsată.

Limba noastră-i foc ce arde
Într-un neam, ce fără veste
S-a trezit din somn de moarte
Ca viteazul din poveste.

Limba noastră-i frunză verde,
Zbuciumul din codrii veşnici,
Nistrul lin, ce-n valuri pierde
Ai luceferilor sfeşnici.

Limba noastra-i limbă sfîntă,
Limba vechilor cazanii,
Care o plîng şi care o cîntă
Pe la vatra lor ţăranii.

Răsări-va o comoară
În adîncuri înfundată,
Un şirag de piatră rară
Pe moşie revărsată.