Introduction

Les langues romanes s'expatrient…

Au cours des siècles passés, à partir de la fin du XVe siècle (la Conquête du Nouveau Monde par les Espagnols commence en 1492), certaines langues romanes s'expatrient, d'abord aux Amériques, plus tard en Afrique. De nouvelles variétés d'espagnol, de portugais, de français vont ainsi apparaître, formant des ensembles linguistiques pluriels bien qu'étroitement liés aux mères patries, à des degrés divers : la francophonie, l'hispanophonie, la lusophonie. Ces variétés et leur normes endogènes qu'on peut qualifier de dialectales vont parfois supplanter en importance la norme légitime de la métropole : c'est le cas pour le portugais du Brésil. Parfois la norme "centrale" va conserver un tel prestige que les variétés périphériques auront du mal à imposer leur propre légitimité (jusqu'à une période récente) : c'est le cas du français mais aussi de l'espagnol.

 … et se créolisent

Ces mêmes langues romanes, dans d'autres cas d'expatriation, dans des situations bien particulières de contacts de langues : celles du commerce international, des colonisations et de l’esclavage lié aux sociétés de plantation, ont produit des langues hybrides : pidgins, "langues réservées à des relations limitées et occasionnelles" (Chaudenson 1995 : 19), et créoles, parlers aux fonctions communicatives diversifiées et donc plus élaborés que les pidgins, et surtout stabilisés. C'est du seul  phénomène de créolisation qu'il est question dans ce sous-chapitre, de la construction de "vernaculaires européens qui ont émergé dans des colonies de peuplement dont l'économie principale est associée à l'esclavage et à la culture industrielle surtout de  la canne à sucre ou du riz" (Mufwene 2014 : 61) et plus spécifiquement donc du cas des créoles à base romane (portugais, espagnol et surtout français), dans des contextes territoriaux insulaires au cours des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles (il existe aussi des créoles à base anglaise et à base néerlandaise). Les créoles à base française sont les plus parlés dans le monde : près de dix millions de locuteurs.